Temps critiques #14

Poursuite de la valorisation ou domination du capital sur la valeur ? Quelques remarques par rapport au texte d’Olivier sur Krisis

, par Jacques Wajnsztejn

L'absence de référence théorique communiste autre que celle à Marx, semble liée, chez Krisis à l'idée qu'il n'y aurait rien eu de produit de notable entre Marx d'un côté et « Le Manifeste contre le travail » de l'autre, qui constituerait en quelque sorte le Deuxième manifeste du parti communiste. Dans cette vision, la théorie communiste existerait d'emblée dans sa forme ésotérique abstraite ; une forme qui la mettrait à l'abri des errances d'une pratique de classe qui se serait appuyée presque exclusivement sur les développements exotériques de Marx. Dans cette mesure, il n'y a pour ce groupe, aucun fil historique auquel se rattacher. Et la dialectique des luttes de classes dans le rapport social capitaliste est réduite à une simple opposition d'intérêts entre les deux pôles du rapport. Il n'est donc pas étonnant qu'ils oublient en route Le droit à la paresse de Lafargue, Le sabotage de Pouget, les conseils ouvriers allemands et les théories de Pannekoek, ainsi que divers écrits plus récents, de Bob Black en passant par différentes contributions des années 70 sur cette question (échanges entre Zerzan et Reeve, revue Négation et certains articles des derniers nos d'ico par exemple). Si, dans la présentation du livre il est bien fait allusion au situationnisme et à l'ouvrage « De la misère en milieu étudiant » comme autre manifeste du parti communiste, cet ajout est l'œuvre des traducteurs qui ne sont pas membres de Krisis et dont l'un au moins peut être classé de « pro-situs » (je dis ça pour simplifier, mais sans renvoyer à la connotation péjorative habituelle du terme). Cette influence se retrouve également chez Jappe, mais celui-ci n'est pas membre de Krisis, mais a seulement participé à des textes communs avec des membres de Krisis (« Les habits neufs de l'Empire », en collaboration avec Kurz). Mais les origines historiques de la revue et du groupe, comme leurs écrits sont relativement indépendants du courant situationniste et le rattachement semble se faire plus dans une même importance accordée à la théorie marxienne du fétichisme de la marchandise que dans une approche théorique commune : les références ne sont d'ailleurs pas les mêmes : Debord écrit « La société du spectacle » dans le langage hégéliano-marxiste des œuvres de jeunesse, alors que Krisis ne jure que par « Le Capital ». Il n'est donc pas étonnant que ni « les Gauches », ni « SoB » ne soient cités par Krisis. Même s'ils proviennent de la critique artistique plus que de la critique prolétarienne, les situationnistes côtoient depuis longtemps les conseillistes, alors que Kurz vient du marxisme-léninisme1.

Cette impasse sur les Gauches historiques provient aussi du fait que pour Krisis, la critique du travail n'est pas le fait du prolétariat, mais du capital qui, par sa « troisième révolution industrielle », viendrait rendre celui-ci superflu. En passant, cela fait l'impasse sur la critique du travail chez Marx, critique particulièrement développée dans Les Manuscrits de 18442. Krisis ne prend pas acte de la défaite du prolétariat, mais proclame son incapacité congénitale à être autre chose que du capital variable. Il n'est alors pas étonnant que les perspectives politiques de Krisis restent floues puisque le groupe essaie de faire coexister parachèvement du capital et révolte des individus associés3.

La critique d'Olivier sur les « faux marxistes » est malheureusement en deçà de celle de Krisis qui présente l'avantage de comprendre le marxisme comme un tout qui aurait donné lieu à différentes interprétations, en fonction du Marx choisi en quelque sorte. Comment expliquer autrement le maintien de « vrais » marxistes aussi exigeants que Pannekoek et Luxembourg au sein d'une IIe Internationale truffée de « faux marxistes » ? Comment comprendre aussi, que parallèlement au fait que la valeur perdure dans l'urss léniniste comme stalinienne, la « gauche germano-hollandaise » théorise la question des bons de travail et donc la perpétuation de la valeur dans la phase de transition ?

Olivier se trompe aussi de critique quand il reproche à Krisis de ne voir dans les deux classes qu'une personnification du Capital et que donc celui-ci est au-delà de cette représentation. Bordiga, par exemple, dans Capital et propriété n'a rien dit d'autre à propos de la bourgeoisie et cela sera repris et approfondis dans la revue Invariance. Ce n'est pas sur ce fait que la critique aurait dû porter, mais sur la conséquence qu'en tire Krisis, c'est-à-dire sur le fait que cela entraîne qu'il n'y a pas d'antagonisme entre les deux classes, comme si le capital pouvait choisir l'un ou l'autre pôle (on voit ce qui en découle du point de vue de l'analyse du bloc soviétique) où la complémentarité des deux pôles. Ce que Krisis ne comprend pas c'est qu'on a à faire ici à une contradiction qui se manifeste à travers l'implication réciproque entre deux pôles du capital personnifiés historiquement (surtout dans la période de domination formelle du capital). Le prolétariat a donc bien constitué, dans cette contradiction, un pôle antagoniste en étant à la fois une classe de ce mode de production et autre chose (une classe qui se nie dans le communisme). C'est ce double aspect qui fonde le « programme prolétarien » et ses contradictions, contradictions qui le font naviguer des rives tumultueuses de l'anarchisme au calme plat de la social-démocratie.

Le problème est pour nous de savoir ce qu'il en est aujourd'hui, c'est-à-dire s'il y a toujours classe prolétaire au sens de Marx (classe en soi et classe pour soi) et lutte de classes. Je renvoie aux positions de la revue Temps critiques à ce propos. Mais cela Krisis ne peut se le poser à partir du moment où le travail est défini comme l'essence commune des deux classes et non pas comme une contradiction de l'activité générique. L'histoire des luttes, de la tension individu/communauté sous ses diverses formes est remplacée par une histoire des concepts (de « l'exotérisme » à « l'ésotérisme »).

Une autre critique me semble tomber à plat, c'est celle de Empire de Hardt-Negri, qui constituerait une réplique du « super impérialisme » de Kautsky. La question de savoir si les luttes inter-impérialistes perdurent ou s'il y a super-impérialisme ne me semble pas réglée par une simple affirmation péremptoire. En tout cas les analyses de Negri sur cette question sont proches de celles que nous développons dans notre Violence et globalisation (L'Harmattan, 2003) et en aucune façon, elles ne peuvent se lire dans l'équivalence de l'Empire et de l'État américain. La différence entre « Empire » et impérialisme est d'ailleurs bien développée par Negri (l'Empire en tant que réseau mondial) même s'il explique moins précisément que nous pourquoi aujourd'hui on ne peut plus parler en terme d'impérialisme. À ce niveau la critique de Krisis est particulièrement réductrice et semble effectivement épouser la théorie kautskienne4, ce qui l'oblige à rester à l'intérieur de la théorie de l'impérialisme. Or, contrairement à ce que dit Olivier (III), la disparition (non violente) du bloc soviétique ne signifie pas la victoire d'un impérialisme sur un autre, mais la disparition de la forme impérialiste dans le processus de globalisation. Mais surtout, ce qui nous paraît important, au-delà de cette polémique autour des concepts, c'est de ne plus s'illusionner sur un quelconque débordement révolutionnaire prolétarien qui sortirait de soi-disant conflits inter-impérialistes. Korsch avait déjà bien développé cette critique dans son article sur « Guerre et Révolution » dans Marxisme et contre-révolution. Mais de cela on ne peut en déduire ni que le capital est stabilisé (vision de Kautsky), ni qu'il va s'écrouler tout seul (vision prêtée à Krisis). La seule chose qu'on peut dire, c'est que la théorie doit être revisitée (il ne faut craindre aucun « révisionnisme » tant que la perspective est maintenue) qui déterminera la nature des interventions à entreprendre et le sens des mouvements en cours.

Olivier se livre ensuite à une critique de la tendance à la dévalorisation développée par Krisis… mais en réalisant le tour de force de vouloir sauver la loi de la valeur travail à travers les statistiques empiriques d'une comptabilité nationale dont les calculs reposent sur la théorie de la valeur utilité et donc sur la dissolution complète du travail productif dans le travail en général. Les chiffres du pib sont ainsi convoqués pour nous montrer qu'il y a toujours valorisation alors que plus des 2/3 du pib correspond à des activités classées traditionnellement comme improductives5.

Olivier en est donc à vouloir prouver la poursuite de la valorisation de la même façon que Krisis énonce la dévalorisation. Mais ni l'un, ni les autres ne se rendent compte que le nœud de la question réside dans la domination du capital sur la valeur ce que n'avaient jamais pu réaliser ni le système bourgeois classique (celui de la domination formelle), ni le système soviétique.

De même les chiffres sur le nombre absolu de travailleurs, en augmentation, sont avancés, sans aucune rigueur marxiste puisque détachés de toute détermination objective de l'activité. C'est tout le travail critique mené au sein du marxisme par le courant operaïste et sa notion de « composition de classe » qui est ici ignoré…au profit d'une phrase musicale à l'emporte pièce jouée plus vite que la partition sur laquelle elle s'appuie. Je cite : « Ce n'est donc pas le caractère de son occupation qui définit le prolétariat, mais sa position sociale de travailleur salarié ». Je pourrais souscrire à cela puisqu'à la suite de la revue Invariance, nous avons parlé de « travail-fonction » ; à condition toutefois, de rajouter « le prolétariat en tant que classe en soi », mais alors pourquoi se centrer encore sur la question de la valeur et de la valorisation ? Si tout le travail est pour le capital, alors c'est que le capital s'est débarrassé de la question de la valeur en se la soumettant. Rien ne sert d'accélérer le rythme, c'est le type de musique qu'il faut changer !

La référence à Rubak a longtemps fait autorité, mais elle est devenue inopérante dans la mesure où elle correspond à l'époque antérieure, celle du capitalisme fordiste, dans lequel la mondialisation se développe sous une forme extensive alors que la restructuration en cours depuis les années 80 repose sur une forme intensive. Il en est de même de l'analyse de Mattick. Malgré le respect que l'on doit à celui-ci, un passage tel que : « Alors que le processus de production se concentre dans des entreprises de moins en moins nombreuses et de plus en plus en plus grandes, celui de distribution est de plus en plus « décentralisé » pour pouvoir atteindre un marché de consommateur qui s'étend au loin et est très dispersé ». Or, pour nous, c'est exactement l'inverse qui se produit dans la restructuration. À des prémisses fausses correspondent également des conclusions fausses. Je continue de citer Mattick : « L'avancement plus lent de la productivité, dans ce qu'on appelle le secteur des services de l'économie, déprime le taux de profit… ». Malgré ses travaux autour de l'automation Mattick n'a pas anticipé le développement des nouvelles technologies de l'information et leurs effets sur l'économie globale (la résolution du paradoxe de Solow) au contraire de Krisis à qui on pourrait justement faire le double reproche de rester rivé à cette « révolution » technologique et de nier le passé, l'histoire et les luttes. Krisis « n'analyse donc pas qu'un monde ancien qui aurait disparu » et est bien plutôt victime d'une « fixette » théorique.

J'avoue ne pas comprendre l'utilisation qui est faite de Mattick dans le point 4. Olivier le cite en appui du fait qu'il y aura bien une crise finale du capitalisme et que donc celui-ci n'a pas englobé, malgré les apparences, ses contradictions. Cela conduit Mattick à dire : « Cela suppose qu'avec la croissance absolue du capital variable et de la plus-(value qu'il crée, et même s'il y a décroissance relative par rapport au capital accumulé, l'expansion du capital puisse, pour un temps indéterminé (c'est moi qui souligne)… apparaître comme une « réfutation » de l'analyse abstraite du capital… » On ne peut mieux dire que le « vieux » Paulo ne se faisait plus guerre d'illusions sur la lutte des classes pour hâter le terme de l'écroulement du capital. Cela sert à rien alors de l'opposer à Krisis, ou alors ce sera uniquement sur le fait que pour ce dernier la lutte de classe n'a jamais eu pour but de subvertir le système, alors que chez Mattick le développement du capital est capable de « mettre entre parenthèse » les luttes de classes… pendant un temps indéterminé donc.

Que le chômage ne soit pas le signe de la déconfiture du capitalisme certes, mais il n'est pas non plus un « plan du capital » que celui-ci choisirait en toute connaissance de cause. « L'armée industrielle de réserve » a parfois du bon pour le système en place, mais faut-il encore que cette réserve serve à quelque chose. Or aujourd'hui, dans les pays dominants au moins, la force de travail inemployée est en grande partie inemployable. La domination de plus en plus grande du travail mort sur le travail vivant, le processus d'inessentialisation de la force de travail qui s'accélère rendent permanent la mise à l'écart d'une partie de la force de travail salariable. Il ne s'agit alors plus à proprement parler d'une « réserve » même si accessoirement elle peut peser sur le niveau de salaire et elle devient quasi indépendante du cycle. Mattick semble en avoir l'intuition : « Les modifications que subit le système au cours même de son développement peuvent mettre entre parenthèses les lois générales de l'accumulation, du moins pour des périodes de temps assez importantes… ». C'est que Mattick, pour son malheur de révolutionnaire, s'est affirmé, à son corps défendant, comme un théoricien de la description de la dynamique du capitalisme ; que son analyse couvre aussi bien la défaite révolutionnaire des années 20 que la contre-révolution qui suit pendant l'entre-deux-guerres, que la phase de prospérité du fordisme. C'est une perspective à long terme. Ce n'est pas de ce point de vue que se place Reeve quand il dit : « Krisis semble oublier que cette nécessité d'élever constamment la productivité du travail6, de remplacer le travail vivant par des machines, est intrinsèque au processus de production du capital. En période de crise, toute la force de travail ne trouve pas preneur sur le marché et l'apparence du travail comme superflu n'en est que la conséquence ». Tout est donc toujours pareil depuis la première crise du capitalisme jusqu'à la dernière. La notion de crise est même tellement extensible que Reeve peut nous parler de crise en 2005 comme s'il était évident que le système est en crise et d'ailleurs de quelle crise s'agit-il ? d'une crise économique ? Mais alors Reeve est-il un adepte de la théorie des cycles courts ou alors des cycles longs de Kondratieff qui ferait que nous sommes encore dans la phase descendante amorcée dans les années 70 ? Ou alors s'agit-il d'une crise systémique, mais alors pourquoi nous renvoyer à une analyse classique des crises en termes de surproduction/ surpopulation ? D'autant que la « reprise » économique ne résout en rien le non emploi définitif et les politiques de lutte contre le chômage et la désoccupation visent à résoudre une contradiction aujourd'hui fondamentale parce qu'elle pose la question de la survie d'un système idéologiquement centré sur le travail alors que son procès de production ne l'est plus. Toutes les campagnes contre l'assistanat menées par tous les États des pays dominants servent à masquer à quel point cette contradiction est explosive.

Il est assez piquant de reprocher d'un côté à Krisis (point 5) de chercher à dégager les grandes tendances du capitalisme en faisant appel à une analyse macro-économique… et de dire de l'autre que c'est la méthode de Marx, qui était donc juste jusqu'à hier mais qu'aujourd'hui sans nous dire explicitement qu'elle est devenue fausse), il faut passer à autre chose car le capitalisme semble maîtriser le niveau global (même s'il est dit qu'il triche). Il faut donc se pencher sur le niveau micro-économique qui seul révèlerait les contradictions fondamentales. Et bien oui effectivement les pme ressentent durement la loi du capital parce qu'elles la ressentent encore en partie dans les formes de la domination formelle, alors que les grandes entreprises la ressentent dans les formes plus modernes de l'évanescence de la valeur7. Mais d'ailleurs, en y regardant de près, ce que décrit Olivier n'a rien à voir avec le niveau micro. Ce dont il parle à travers concurrence et concentration, c'est le processus de « destruction créatrice » théorisé par cet admirateur de Marx qu'était Schumpeter, c'est ce « gigantesque cimetière sous la lune » dont parlent les économistes japonais. Comme le disait Souyri dans son ouvrage fondamental8, il n'y a là nulle contradiction fondamentale mais « dynamique du capital ».

Et pour finir quelques mots sur les luttes de classes

Le défaut de Krisis n'est pas d'en rester à des généralités sur la valeur et les remarques de Mattick sur la sphère de la théorie pure sont particulièrement mal venues. À ce compte là un grand nombre d'ouvrages marxistes intéressants pourraient être classés dans cette catégorie comme par exemple celui de R. Luxemburg sur la validité des schémas de Marx sur l'accumulation ou celui de Grossmann9. Et même le Marx et Keynes de Mattick, sans parler des « Théories sur la plus value de Marx ». Quant à parler d'un choix sélectif, qui y échappe ? La seule chose importante, c'est de « sélectionner » par rapport à une perspective, sinon on est alors effectivement dans la science pure. Le défaut de Krisis est bien plutôt de faire coïncider une approche de la valeur et des classes qui supprime le prolétariat comme sujet de l'histoire et comme sujet antagonique sous prétexte qu'il ne l'est plus aujourd'hui. Or ce qui légitime cette vision, ce n'est pas la science pure, mais bien les preuves empiriques de l'absence de conscience de classe et d'actions de classe qui soient antagoniques aujourd'hui. D'où viendrait cette conscience quand il n'y a plus d'identité ouvrière à affirmer, que c'est l'employée de MacDo qui remplace le mineur et l'agent de sécurité l'os ? Pour qu'il y ait « classe pour soi » au sens de Marx, faudrait-il déjà qu'il y ait classe « en soi » ! Le reproche qui peut être fait à Krisis n'est donc pas de nier la réalité d'aujourd'hui, mais de nier celle d'hier, de nier l'histoire des luttes de classe pour affirmer que le prolétariat n'a jamais été autre chose que du capital variable, qu'il n'a jamais été révolutionnaire. On pourrait donc dire comme Olivier que « Krisis réécrit l'histoire » au nom de l'advenu : ce qui devait être est. Plus fondamentalement, c'est toute référence à l'histoire qui se trouve ainsi gommée. Que puissent alors subsister des références à un « État prolétarien » est à la fois significatif de l'origine théorique de certains membres du groupe et du peu de cas qu'ils font des débats qui ont animé le mouvement communiste depuis bientôt un siècle.

 

 

Notes

1 – Dans les années 70, Kurz appartenait à un groupe maoïste, puis dans les années 80, il fonde Initiativ Marxistische Kritik, un mélange d'influence d'Adorno et de Lénine. Un ex-camarade de Kurz, du nom de Robert Schlosser a publié il y a quelques années, dans un recueil sur 68 et ses suites, ses expériences personnelles sous forme de résumé autobiographique, expériences qui sont, sans doute proches de celles de Kurz : « Rétrospectivement, j'enrage toujours des œillères produites par mon dogmatisme qui m'a empêché jusqu'à prendre connaissance des bouquins d'importance. Ce n'est qu'au cours des années 80 que je me suis mis à assimiler le débat théorique du milieu universitaire en rfa sur la reconstruction de la critique de l'économie politique. Mais ce n'est que la lecture de Rosdolsky qui m'a permis une compréhension plus ou moins adéquate du Capital de Marx. Une véritable révolution pour moi. De même Mattick et son livre sur Keynes et Marx ». Si on remplace Rosdolsky et Mattick par Roubine et Postone, on ne sera pas loin de Kurz. Loin de moi l'idée de « condamner » quelqu'un sous prétexte qu'il aurait un parcours militant et théorique un peu tortueux, mais faut-il encore qu'une telle personne ne présente pas « sa » découverte personnelle comme une découverte universelle. C'est un peu la même critique qu'on peut faire à Jappe quand il parle de l'ultra-gauche et de la théorie radicale en France à partir du livre de seconde main de Gombin !

2 – Dans son Lire Marx, La Balustrade, 2002, dans lequel Kurz reprend les textes de Marx « utiles » pour le xxie siècle, les Manuscrits de 1844 occupent 14 pages (128 à 141) d'un ouvrage qui en compte 396.

3 – Par cela, ils ne peuvent que se rapprocher des théories catastrophistes du type EdN et le titre même de la dernière compilation de Kurz en français : « Avis aux naufragés » est éclairant de ce point de vue.

4 – Pour une critique plus détaillée des Habits neufs de l'Empire, on se reportera à notre présentation critique du Groupe Krisis, dans Lvanescence de la valeur, L'Harmattan, 2004.

5 – Pour ne prendre qu'un exemple et ne pas jouer au spécialiste, les activités non marchandes n'ont strictement aucune « valeur » pour un marxiste et pourtant, depuis la fin des années 70, elles sont intégrées aux pib des pays dans le cadre du « système normalisé de comptabilité nationale ».

6 – Des économistes marxistes aussi sérieux que Ph. Zarifian théorisent depuis presque 20 ans déjà, l'impossibilité d'une quelconque imputation à un agent particulier des progrès de la productivité et l'impossibilité donc de la mesurer avec les outils habituels du calcul économique.

7 – L'exemple d'une contradiction qui existerait entre concurrence et concentration ne tient pas contre que cette contradiction n'a rien de fondamentale à partir du moment où les entreprises ne sont plus seulement concurrentes mais fonctionnent en réseau, à partir du moment où une très grosse part des échanges se réalisent de manière intrafirmes.

8 – Pierre Souyri, La dynamique du capitalisme au xxe siècle, Paris, Payot, coll. « Aux origines de notre temps », 1983.

9 – Henryk Grossmann, Marx, l'économie politique classique et le problème de la dynamique, Paris, Champ Libre, 1975.